La Croix : Les éditions Labor et Fides fêtent leur centenaire. Qui sont-elles aujourd’hui ?
Marion Muller-Colard : Labor et Fides est une maison d’édition ancrée à Genève depuis cent ans. Elle est considérée comme la principale maison d’édition protestante francophone et cette pérennité lui donne son crédit. Vivre cent ans, en soi, témoigne d’une pertinence.
Je présente volontiers notre catalogue comme un catalogue de sciences religieuses. Si nous avons quelques publications qui admettent un ancrage confessionnel, nous sommes surtout dotés de collections qui correspondant aux différentes disciplines qu’on peut rencontrer lorsque l’on cherche à penser sérieusement la question religieuse : sociologie des religions, histoire des religions, sciences bibliques, théologie…
Comment sont nées les éditions Labor et Fides ?
MM-C. : Quand la maison a été créée en 1924, elle s’appelait seulement « Labor », acronyme pour « littérature actuelle, brève, opportune et réconfortante ». Il s’agissait alors de proposer une littérature d’édification, comme on disait jadis. La maison devient « Labor et Fides » dans les années 1950 sous la direction de Jacques de Senarclens, un théologien très engagé pour la diffusion de la pensée de Karl Barth (1886-1968), pasteur réformé et grand théologien suisse, dont il va disparaître tous les droits de traduction. C’est le moment où la maison va prendre un tournant très théologique et développer toute une littérature scientifique liée à la question religieuse. Cette histoire a été ponctuée de grandes publications : la monumentale Encyclopédie du protestantisme sous la direction du théologien Pierre Gisel, les œuvres de Dietrich Bonhoeffer, Paul Tillich, Elisabeth Kübler-Ross, Jacques Ellul ou Lytta Basset…
Quelle analyse faites-vous des attentes du grand public à l’égard d’une maison d’édition comme la vôtre ?
MM-C. : J’ai l’impression que le regard sur la Bible est en train de changer. Il y a un regain d’intérêt pour la Bible comme monument de l’humanité, comme patrimoine anthropologique, y compris en dehors d’une approche confessionnelle. Accompagner cette lecture de la Bible est un aspect important de notre raison d’être. Je perçois aussi un retour vers les questions existentielles liées à un agnosticisme ouvert qui envoya que, dans l’effondrement du religieux, il y a quelque chose qui s’est perdu et que la vie de l’esprit est en manque. À Labor et Fides, nous essayons de nous situer dans ce lieu de l’accueil du doute et de la question du sens.
Notre maison a vraiment vocation à penser le religieux, à le rendre intelligible et intelligent. « Intelligible », dans une approche purement intellectuelle et non confessante du religieux. Car au XXIe siècle, le religieux n’a pas disparu, contrairement à ce qu’on a pu imaginer avec la sécularisation, et il vaut mieux être capable de le penser plutôt qu’il ne pense à notre place. Quant à rendre le religieux « intelligent », j’entends par là, pour les productions qui supposent que la question de Dieu est une belle et grande question, l’aborder avec finesse et subtilité.
Comment abordez-vous ce centenaire ? Comment hériter tout en continuant à créer ?
MM-C. : La fidélité, l’ancrage, est un crédit en soi. Cela constitue un repère dans une époque où on a le sentiment que tout bouge très vite, où l’obsolescence programmée touche même la pensée. Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, nous avons un devoir de fidélité par rapport à des gens qui ne savent pas encore qu’ils ont besoin d’une maison comme la nôtre. Ce mouvement de concentration est à mettre en tension avec un mouvement d’exploration, vers de nouveaux lecteurs.
Vous lancez une nouvelle collection « Qu’est-ce que ça change ? ». En quoi répond-elle à ce défi ?
MM-C. : Aujourd’hui, nous sommes face à une crise de la culture qui est aussi celle d’un « penser en commun » lié à l’ultra-spécialisation, au cloisonnement des disciplines et des sphères sociologiques. Il est ainsi devenu très difficile de penser ensemble les grandes questions communes.
Avec cette collection, nous avons eu envie de développer des titres qui nous permettent de rejoindre un public large, n’ayant pas préalablement fait des études supérieures et d’aller aussi vers les plus jeunes, en tenant compte de la crise du temps disponible pour la lecture et de la défiance à l’égard des intellectuels. Ces livres prennent la forme d’une conversation, où le partage premier sur la démonstration.
Dans cette collection, le nom de l’auteur est à chaque fois précédé par « selon », par exemple L’origine, selon François Ansermet ou Le cerveau, selon Alexis Jenni. Ce mot « selon » est un aveu qui n’est pas du tout un discrédit. Il signe une humilité qui n’est pas un rabaissement, mais la simple honnêteté intellectuelle qui consiste à reconnaître qu’aucun de nous ne pourra dire le tout de quoi que ce soit, mais que nous nous donnons à penser les uns aux autres en nous. écoutant.
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« Qu’est-ce que ça change ? », une petite collection inspirée
Un format de poche, une couverture colorée sans fioritures, moins de 100 pages et un prix léger (10 €) : la nouvelle collection « Qu’est-ce que ça change ? », édité par Labor et Fides, à des détours simples, mais ses premiers titres sont prometteurs. Le psychanalyste François Ansermet, l’écrivain Alexis Jenni, la philosophe Carole Widmaier, directrice de la collection, sont les premiers à répondre à la question, en abordant des thèmes aussi variés qu’essentiels : « l’origine », « le cerveau », « la promesse ». Ces textes personnels et profonds, dépourvus de notes de bas de page mais citant leurs « dettes » en fin de parcours, s’adressent avec hospitalité aux non-initiés et à tous les curieux.
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